1882 : l’interdiction du travail des enfants et l’école gratuite

1882 : l’interdiction du travail des enfants et l’école gratuite

Les enfants ont toujours travaillé, en particulier dans les familles pauvres pour permettre à leur famille et à eux-mêmes de survivre. La révolution industrielle a amplifié ce phénomène en demandant plus de main d’oeuvre. Mais les enfants souffraient tellement qu’ils devenaient inaptes au travail, le travail des enfants a donc commencé à être limité puis abolit grâce à la Loi Jules Ferry qui impose l’école pour tous en 1882.

Historique du travail des enfants et de son abolition en France

Le travail des enfants a toujours existé et ce depuis l’Antiquité, qu’il s’agisse de travail en agriculture ou dans les ateliers. L’enfance est alors une période courte et les enfants participent aux tâches domestiques et agricoles dans le cadre familial.

C’est à partir du Moyen Âge, que les enfants commencent à travailler hors du foyer pour répondre à la fois à la demande d’employeurs à la recherche de main-d’œuvre peu coûteuse et au besoin des familles pauvres de subvenir à leurs besoins : les garçons sont affectés aux travaux des champs et les filles travaillent comme servantes, l’éducation ne bénéficiant qu’aux enfants de milieux favorisés.

Cette situation se poursuit jusqu’à la fin du 18 ème siécle : les garçons sont placés comme valets de ferme à la campagne , ou chez des patrons, les filles sont domestiques. Leur salaire sert de supplément à celui des parents et permet entre autres de subvenir à leurs propres besoins.

La période de l’industrialisation, en France et en Angleterre notamment, correspond à une période de très forte activité exigeant beaucoup de main d’œuvre : les industriels recrutent en masse dans les usines, les mines ou les chantiers. Ceci se traduit en France par un très fort exode rural. Les ouvriers ayant un faible revenu et de nombreux enfants, encouragent ceux-ci à entrer avec eux à l’usine où ils effectuent les tâches subalternes dans les mêmes mauvaises conditions que les adultes.

Le travail des enfants, avec celui des femmes, a trois avantages pour les industriels :

Il permet de faire pression à la baisse sur les salaires des ouvriers adultes masculins ;

il permet de livrer la famille entière au travail ouvrier, ce qui accélère la rupture avec le monde rural traditionnel ;

3° enfin, il fournit une main-d’œuvre plus abondante, permettant d’utiliser les machines à plein rendement.

La souplesse et la petite taille des enfants sont utilisées pour des travaux précis que les adultes ne pourraient pas effectuer. Le travail est très précoce : les enfants de quatre ans sont assez recherchés afin d’être « formés » sur les machines dès qu’ils en ont l’aptitude physique. On les retrouve dans les mines poussant des wagonnets dans les galeries , dans les ateliers de tissage etc…


Des enfants dans une usine textile

Les faits qui ont contribué à s’interroger sur l’état des enfants

Au début du XIXe siècle, des enfants de 5 ans travaillent couramment 15 à 16 heures par jour dans le textile, les mines ou les chantiers . Les pouvoirs publics finissent par s’émouvoir, non pas des souffrances endurées mais des statistiques fournies par les conseils de révision. Les enfants ouvriers étaient si mal portants qu’on devait déclarer inaptes plus des deux tiers. On risquait de manquer de travailleurs, c’est cela qui a alarmé les autorités.

Parallèlement les esprits éclairés s’expriment également ; ainsi écrit Victor Hugo :

« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison, le même mouvement
Accroupis sous les dents d’une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las… »

Victor Hugo, Melancholia, 1856


Un petit ramoneur de Savoie

Le docteur Villermé a donc été chargé par l’Académie des Sciences d’un rapport sur l’état de santé des ouvriers des manufactures quelques années après la Révolte des Canuts en novembre 1831 à Lyon, la première insurrection sociale de l’ère industrielle.

Son travail, intitulé Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, paru en 1840 et connu sous le nom de rapport Villermé a eu un grand retentissement et a été à l’origine de la loi sur le travail des enfants dans les manufactures, la loi Cunin-Gridaine du 22 mars 1841 .

Plusieurs lois vont ainsi être mises en place pour limiter le travail des enfants :

1841 : loi applicable dans les manufactures, usines, et ateliers limite l’âge d’admission dans les entreprises à 8 ans, mais uniquement dans les entreprises de plus de 20 salariés ; interdit le travail de nuit pour les enfants de moins de 13 ans ; limite le temps de travail à 8 heures sur 24 pour les enfants âgés de 8 à 12 ans et le limite à 12 heures pour les enfants âgés de 12 à 16 ans .

1851 : Durée du travail limitée à 10 heures au dessous de 14 ans et à 12 heures entre 14 et 16 ans. Interdiction du travail de nuit pour les moins de seize ans et tend à généralisation de ces dispositions à tous les établissements.

1874 : Interdiction du travail des enfants de moins de 12 ans, du travail de nuit pour les filles mineures et pour les garçons de moins de 16 ans. Le repos du dimanche devient obligatoire pour les ouvriers âgés de moins de 16 ans.

1892 : La durée maximale de travail est ramenée à 10 heures quotidiennes à 13 ans, à 60 heures hebdomadaires entre 16 et 18 ans, et un certificat d’aptitude est nécessaire.

Ces lois ne seront mises en place que très progressivement , d’une part du fait de la réaction des industriels qui fustigeaient l’état de se mêler de la vie des entreprises, d’autre part du manque à gagner que l’interdiction du travail des enfants entraînait pour les parents, mais aussi du manque de moyens des inspecteurs à faire appliquer ces lois, (le corps d’inspection du travail est créé à partir de 1892 ).

Seule la scolarité obligatoire mettra fin au travail des jeunes enfants (Loi jules Ferry en 1882) ; un système de compensation du manque à gagner pour les parents dû à l’interdiction du travail des enfants et à leur scolarisation sera mis en place très progressivement , il s’agit du dispositif intitulé « allocations familiales ». La loi Ferry de 1882 organise ainsi l’enseignement primaire obligatoire et laïc pour les enfants de 6 à 13 ans. Cette loi fut renforcée en 1892, les enfants étant obligés d’obtenir leur certificat d’étude (vers 12-13 ans) pour pouvoir travailler . Puis en 1936 car la scolarité devient obligatoire jusqu’à 14 ans, et ensuite en 1959 où la scolarité devient obligatoire jusque 16 ans, à travers l’adoption de la charte des droits de l’enfant par l’ONU.

C’est ainsi que, progressivement, l’enfance passée au travail se transforme en enfance passée à l’école !

Pour en savoir plus : nos sources 

Ressources Humaines sans frontières

UNICEF

 

 

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