Avenir, es-tu là ? L’ascenseur social n’est pas pour tout le monde

 Nous cherchons tous à améliorer notre vie, à offrir un meilleur avenir à nos enfants  ! Mais malgré tous nos efforts, les galères s’enchaînent et les améliorations sont rares. Malgré la promesse républicaine de méritocratie et d’ascenseur social, l’horizon reste fermé.  Cela se joue dès l’école :plus d’échec scolaires, moins de diplômes. Mais c’est aussi tout au long de la vie, que les possibilités manquent. Ainsi la formation continue bénéficie beaucoup plus aux cadres. Et même pour ceux qui ont fait des études, le nombre d’emplois qualifiés reste limité. C’est ainsi que les milieux populaires restent coincés par un manque d’avenir, du fait de possibilités réduites.

Une faible ascension sociale

Contrairement à ce que certains croient, les efforts et les mérites individuels ne sont pas les principaux déterminants dans les destins individuels. Il reste difficile de s’échapper de la condition populaire, pourtant synonyme de galère, de pénibilité et de mépris. En France, en effet, les situations d’ascension sociale restent plutôt l’exception qui confirme la règle.

Entre 2003 et 2014, les trois quarts des enfants de cadres supérieurs sont restés dans leur catégorie sociale ou sont situés parmi les professions intermédiaires. A l’inverse 48 % des fils d’ouvriers sont demeurés ouvriers alors que seuls 10 % des fils de cadres sont dans ce cas. La situation des employés et des professions intermédiaires est plus incertaine. Si un quart des enfants des professions intermédiaires a grimpé dans la hiérarchie pour devenir cadre sup, plus du tiers est redescendu au niveau employé ou ouvrier.

« L’égalité des chances  », proclamée de façon répétée par la République, reste donc une fiction. Certes, l’ascenseur social n’est pas bloqué : un tiers des fils d’ouvriers sont devenus cadres supérieurs ou professions intermédiaires. Mais il marche plus lentement qu’auparavant du fait du ralentissement des créations d’emplois¹.

Ainsi, pour la plupart des personnes de condition modeste, le parcours classique est plutôt :une scolarisation moins élevée, et peu de mobilité professionnelle.

Une scolarité plus compliquée

Dès le plus jeune âge, la scolarité des enfants de milieux populaires s’avère plus difficile que celle des autres milieux.  Très élitiste, l’école française est faite pour trier les meilleurs élèves et éliminer les moins bons, dès le plus jeune âge. Or, la réussite ou l’échec des enfants à l’école dépend beaucoup de leur origine sociale. Ainsi, près de 40% des élèves de milieux « défavorisés » sont en difficulté à l’école. Le rapport Pisa, qui évalue les systèmes éducatifs de nombreux pays développés, montre chaque année que la France est mauvaise en la matière.  En France, le système scolaire ne se contente pas de reproduire les inégalités : il les aggrave !²

Or, lorsqu’on est en échec au primaire ou au collège, il est difficile de rattraper son retard ensuite. Et cet échec précoce réduit fortement les chances d’avoir un bon diplôme au final. Ainsi, environ 100 000 jeunes de 18 à 24 ans décrochent chaque année.  C’est environ 10% d’une classe d’âge qui sort de l’école sans diplômes ni solution.

Un niveau de diplôme plus faible

Avec la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, l’accès aux études secondaires et supérieures s’est accru pour les enfants d’ouvriers et encore plus pour les enfants d’employés, mais il reste limité. Il s’effectue surtout dans des filières courtes et peu valorisées comme les bacs technologiques et professionnels au lycée, ou les BTS après le bac.

Les enfants d’ouvrier.es et d’employé.es sont peu nombreux à l’université : près d’un tiers des étudiant.es sont enfants de cadres supérieurs alors que seulement un sur dix a des parents ouvriers. Si la reproduction sociale joue sur cette situation, elle n’est pas le seul facteur : la difficulté à prendre en charge le coût des études peut être rédhibitoire ou en provoquer l’échec du fait du cumul d’études avec un job étudiant.

Or en France, le niveau de diplôme conditionne fortement l’accès à une place valorisée dans la société tout au long de la vie, compte tenu de la difficulté d’accéder à la formation continue par la suite.

Peu de mobilité professionnelle

Depuis les années 1980, les perspectives d’accès aux professions intermédiaires demeurent très limitées. Cela s’explique par la raréfaction des chances d’accès à la petite fonction publique ou à certains statuts d’indépendants. De fait, dès lors que plus de la moitié des emplois en France sont des emplois d’employés ou d’ouvriers, le nombre de places plus favorisée est limité.

La difficulté d’accéder à la formation continue n’aide pas. Ainsi, 68 % des cadres supérieurs et 61 % des professions intermédiaires ont eu accès à la formation professionnelle continue en 2012, contre 37 % des ouvriers et 43 % des employés, selon l’Insee. Et encore, cela ne dit rien de la longueur et du niveau des formations reçues. Le niveau de diplôme joue aussi beaucoup, au sein des entreprises, pour pouvoir « monter. »

Tous ces freins contribuent à maintenir les milieux populaires dans des positions subalternes.

Le résultat : moins de chances d’avoir une vie meilleure

Ainsi, comme le montrent ces inégalités sociales, la méritocratie républicaine reste largement un mythe. La place de chacun.e dépend beaucoup moins de son mérite et de ses efforts, que de sa naissance (origine sociale, genre, …).

La définition des milieux populaires ne s’arrête donc pas seulement à la question de la richesse. Il s’agit aussi et surtout de la possibilité de choisir sa vie et d’avoir une vie meilleure. On ne choisit pas en effet de naître dans un milieu populaire. Et en plus on a très peu de chance de monter dans l’échelle sociale. A l’inverse, être né dans un milieu « favorisé » donne toutes les chances de bien mieux s’en sortir ensuite.

C’est cette injustice que le Collectif POP souhaite combattre.

Et vous, avez-vous connu une ascension sociale ? Ou au contraire, un déclassement ? Avez-vous pu évoluer professionnellement, ou avez-vous rencontré des difficultés ? Comment s’est passée l’école, pour vous ou vos enfants ? Dites-le nous en commentaires !

Pour aller plus loin : nos sources

1. sur la mobilité sociale : Yves Besançon, La mobilité sociale est tombée en panne, in Alternatives Economiques n°366, 1er mars 2017 et Comment évolue la mobilité sociale en France, Centre d’observation de la société, 17/08/2017

2. Sur les inégalités scolaires  : Marie Quenet, Enquête Pisa, l’origine sociale pèse lourd sur la réussite des élèves en France, Le JDD, 6/12/2016 ou cet autre article de l’Observatoire des inégalités, Les inégalités sociales sont fortes dès le collège, du 31/08/2017

3. Sur la mobilité professionnelle : Les inégalités d’accès à la formation professionnelle, L’observatoire des inégalités, 20 février 2014

4. Sur l’illusion méritocratique : David Guilbaut, L’Illusion méritocratique, éditions Odile Jacob, 2018