14 juillet : les noms du « populaire »
Dans son roman « 14 juillet », l’écrivain Eric Vuillard ose narrer cette journée de 1789 depuis le point vue de la « foule » à laquelle ses mots, ses descriptions donnent des visages, des origines, des métiers, des amours, parfois un passés et rarement un avenir. Des noms, des prénoms refont surface et s’opposent à celui de Bernard René Jourdan De Launay, marquis de son état et gouverneur de la « citadelle ». Le seul qu’on nous citait à l’école parce que sa tête termina ce jour là sur une pique vengeresse, alors que la Bastille, nous dit-on, n’avait aucune valeur stratégique. Un symbole ! Personne ne mérite de mourir pour faire symbole. On en oublierait presque l’absolutisme de la monarchie et de son aristocratie.
Pourtant, De Launay ordonna de tirer, et pas de manière symbolique. Des enfants, des femmes, des hommes moururent du fait de ses ordres. Vuillard nous fait revivre certaines de ces tragédies, des noms et des prénoms du « peuple » ressortent de l’oubli des livres d’histoire. Il nous rappelle aussi que la veuve De Launay reçut une pension …mais non pas les parents de toutes les victimes de son mari.
Le roman débute avec la narration, toujours depuis le point de vue populaire, des émeutes de fin avril. Des riches demeures furent pillées après la décision de baisse des salaires – déjà pour « résister à la concurrence étrangère ». La répression fut féroce. Des centaines de morts. Le 14 juillet 1789 cette fois-ci les « émeutiers » gagnèrent ! Ils deviennent le peuple et Eric Vuillard leur rend leur humanité, que les puissants ont essayé de faire disparaitre. Une peur hante les puissants d’aujourd’hui comme d’hier que des noms et des prénoms du peuple prennent corps pour faire destin.
A lire ! Et après, laissez-vous tenter par « La guerre des pauvres » du même auteur !
Antonio Aniesa
Pour en savoir plus :
- découvrez un extrait du livre publié par la revue Contretemps ICI
- écoutez l’auteur parler de son roman dans de brèves vidéos ICI